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Channel: Bernard Aubin
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SNCF : la manif reste à quai…pour l’instant ?

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Hasard du calendrier. Le Canard Enchaîné déclenchait une polémique d'envergure un jour seulement avant une manifestation de cheminots contre la réforme du système ferroviaire. Plus de place pour les voyageurs dans les nouveaux TER, cela partait pourtant d’une bonne intention. Mais l’organisation éclatée datant de 1997 a quelque peu brouillé les pistes. La SNCF sollicite RFF, pour savoir s’il est possible de faire circuler des rames plus larges de 20 cm… Mais les cotes fournies par le propriétaire et gestionnaire du réseau, transmises en retour, ne seraient plus d’actualité… Et patatras, il faut raboter les quais de dizaines de gares pour accueillir les 341 nouvelles rames. L’affaire prêterait presque à sourire si son coût ne dépassait pas largement  les 50 millions d’euros annoncés. Bien sûr, l’on peut commencer par s’interroger sur l’aspect technique de ce fiasco. L’un des fondamentaux du transport ferroviaire étant que le matériel roulant s’inscrive dans le gabarit. Second aspect, c’est la marge de sécurité qui s’impose à tout ingénieur, tout architecte, tout technicien qui se doit toujours de baser ses calculs sur « la situation la plus défavorable ». Une approche qui, si elle avait été respectée, aurait sans doute évité à la SNCF et à RFF tous ces problèmes. Mais aujourd’hui, la mode est à l’efficience. On ne recherche plus la qualité absolue. On accepte une part de non-qualité en contrepartie d’une réduction, parfois significative, des coûts. L’affaire des rames trop larges en est une illustration. Et cela finit par coûter cher. Déclinée à la sécurité des circulations, le principe de l’efficience pourrait néanmoins des conséquences beaucoup plus dramatiques.

 

Revenons-en à la manifestation du 22 mai

 

La réforme du système ferroviaire doit être examinée le 16 juin par le Parlement. Au menu, éclatement du système ferroviaire en trois entité, provisoirement des EPIC. Provisoirement car le statut même d’EPIC est menacé par Bruxelles… Et que si la Droite revenait au pouvoir, la structure de tête viendrait à disparaître au profit de deux Sociétés Anonymes : RFF, le retour (avec les 50 000 cheminots de la SNCF Infra) et une SNCF réduite à ses missions de transporteur. Dans tous les cas de figure, on est loin de la réunification annoncée. Et si chacun s’accorde à dire, exemple des quais à l’appui, que ça ne marche pas aujourd’hui, tout le monde s’oppose sur les remèdes à mettre en œuvre. Pour le Secrétaire d’Etat aux transports, la réforme devrait arranger les choses. Sauf qu’en réalité, pour une fois, l’anomalie n’est pas due à un dysfonctionnement au sein même des services de l’infrastructure. La problématique se situe bien entre opérateur de transport et gestionnaire d’infrastructures… qui demain, malgré leur appellation SNCF "quelque chose", seront bien séparés par la « muraille de Chine » imposée par Bruxelles. C’est bien ce qu’on dénoncé les manifestants qui, sur la base du même exemple, ont illustré les méfaits des cloisonnements actuels… et à venir. Autre sujet, la dette infrastructure. Pas moins de 44 milliards d’euros qui reviendraient dans le giron de la SNCF après en avoir été externalisés par la précédente réforme de 97. Tout cela parce que l’Etat refuse de prendre ses responsabilités, allant même jusqu’à sceller son dégagement de la cause ferroviaire dans son projet de loi. Enfin, il existe un problème majeur qui n’est pas vraiment mis en avant par les syndicats « représentatifs », à savoir la remise à plat du Statut des cheminots et toutes les incertitudes qui pèsent sur leurs acquis sociaux.

 

Autre temps, autre mœurs

 

Il y a quelques années encore, la seule évocation d’une menace sur l’avenir du Statut aurait provoqué un dépôt de sac immédiat. Malgré les nombreux commentaires sur ce blog n’allant pas dans ce sens, il faut bien reconnaître que les cheminots ont perdu le goût de la grève au point de n’opposer aux menaces sur leurs acquis qu’une simple manifestation nationale, assortie de quelques préavis locaux. Beaucoup trop sans doute encore pour certains usagers, mais presque rien face aux enjeux sociaux de la réforme. La même tendance s’illustrait déjà dans les urnes, avec un plébiscite des syndicats opportunistes ou d’accompagnement aux dernières élections professionnelles. Les 30 % d’abstention amène également à réfléchir. Malgré la variété du panel syndical, un cheminot sur trois n’a pas fait l’effort, ou n’a pas souhaité s’exprimer à la veille d’un bouleversement sans précédent de son entreprise. Inquiétant ! Pour sa part, le  Gouvernement semblerait s’interroger sur la pertinence du maintien d’une réforme impopulaire, dans un contexte où l’opinion des français ne lui a jamais été aussi défavorable. Il craint surtout qu’une étincelle vienne mettre le feu aux poudres. A contrario, il peut compter sur le soutien des syndicats SNCF qui lui sont proches et qui ont prouvé jusqu’à présent savoir utiliser l’agitation avec la plus grande modération. Sauf qu’au sein de la puissante CGT, des voix discordantes se font entendre et réclament plus d’action. Même son de cloche chez Sud, qui dès hier affichait sur une large banderole ses faveurs pour une grève illimitée. Quant aux autres syndicats, ceux qui ont été écartés par leurs homologues et la direction de la SNCF de tous les échanges, ils n’ont rien à perdre à révéler aux cheminots certaines vérités qui ne sont pas toutes bonnes à dire. Cerise sur le gâteau, l’encadrement de la SNCF ne semble guère s’engager dans la défense d’une réforme dont il est le premier à décoder les travers. Pour résumer, donc, le contexte reste quand même favorable au passage, même pas en force, d’une réforme aux conséquences sociales désastreuses. Mais personne ne peut garantir qu’à un moment ou à un autre, une étincelle ne viendra pas mettre le feu aux poudres et déclencher un conflit qui canaliserait les rancœurs accumulées par les français. Ne reste donc plus au Gouvernement que de s’attacher les services d’un bon voyant !


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