Réponses aux propos tenus dans l'article de "Le Point" La SNCF, un monde à part...
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Le Point : L'un de leurs enquêteurs, Erwan Seznec, a passé méticuleusement à l'infrarouge les informations disponibles sur les rémunérations à la SNCF et son premier constat est brutal : « Année après année, et malgré les réductions d'effectifs, la masse salariale y progresse nettement plus vite que le nombre de voyageurs transportés. » C'est ainsi qu'en 2003, 178 000 cheminots « se sont partagé » 7,7 milliards d'euros, soit 43 260 euros par tête. Dix ans plus tard, en 2013, ils n'étaient plus que 152 000, mais « ils ont touché » 9 milliards d'euros, soit 59 200 euros par personne, soit 4 554 euros par mois sur treize mois.
Faux : le bilan social 2013 de la SNCF affiche un salaire mensuel BRUT moyen pour l’ensemble des cheminots (du plus petit grade de l’Exécution au Cadres Supérieurs Contractuels, dont la rémunération est négociée de gré à gré) de 3057 euros. De cette somme, il faut déduire les cotisations Prévoyance, Retraite, CSG, Solidarité, CRDS pour un montant d’approximativement 525 €. Le salaire net moyen s’élève donc à 2532 €. Etalé sur 13 mois, ce salaire s’élève donc à 2337 € soit plus de 2200 € de différence avec le salaire avancé dans l’article. Et encore, de nombreux cheminots se réjouiraient de toucher effectivement 2337 euros !
Le Point : Des augmentations de 4,25 % nets par an
Explication : une des commissions des Assises du ferroviaire en décembre 2011 avait relevé qu'à la SNCF « les augmentations salariales se sont établies, en moyenne sur les dix dernières années, à un niveau annuel de 2,5 % en plus de l'inflation », soit 4,25 % nets par an, quatre fois plus que dans le privé au cours de la même période ! Erwan Seznec ajoute que, pendant ces mêmes dix ans, le taux d'encadrement y est passé d'un cadre pour 6,8 agents, ce qui est déjà anormal pour une telle entreprise, à un cadre pour 4,2 agents, ces promotions ayant été « utilisées comme moyen [détourné] d'augmentation salariale individuelle », selon un rapport interne de septembre 2014.
Visiblement, ce journaliste semble avoir oublié de « faire le rectif. ».
- « accord » salarial 2014 : + 0,5 % en juillet
- « accord » salarial 2013 : + 0,5 % en juillet
- « accord » salarial 2012 : + 0,5 % en septembre
- « accord » salarial 2011 : + 0,5 % au 1er avril + 0,4% au 1er octobre
Pour 2015, les cheminots devront se serrer la ceinture. De visite à Strasbourg, Guillaume Pepy qu’en termes de mesures générales « on ne peut rien faire » (cliquez ici, en fin d’article).
Car il existe bien une grande différence entre ces « mesures générales » qui concernent tous les cheminots et d’autres mesures, ponctuelles, ciblées ou exceptionnelles, qui ne sont pas péréquables pour les retraites. Ainsi, si le Glissement Vieillesse Technicité impacte effectivement la masse salariale, et si les dispositions individuelles ont un coût pour l’entreprise, il est tout à fait erroné d’en faire l’amalgame avec l’évolution des salaires dans la mesure où :
- Tous les cheminots ne sont pas concernés, car ils ne bénéficient pas tous de promotions
- Tous les cheminots ne bénéficient pas dans la même mesure de primes individuelles
- L’augmentation d’une rémunération à la suite d’un changement de qualification est la contrepartie d’une technicité et de responsabilités plus élevées. Celle-ci, si elle impacte effectivement la masse salariale, ne peut être interprétée comme une hausse de salaire. Cette dernière se mesure à position et ancienneté équivalentes.
Avec des mesures générales égales à zéro ou proches de zéro en année pleine, on est très loin des 4,25 % annoncés !
Le Point: Dans cette enquête de Que choisir, on trouve un article spécial sur les primes « statutaires » très nombreuses et d'une folle complexité dont profitent les cheminots sous statut. On apprend ainsi que « la grille 2014 comporte neuf niveaux pour l'indemnité mensuelle informatique, plus de quinze niveaux d'allocations de déplacement, trente sortes d'allocations mensuelles forfaitaires pour défaut de logement », etc. En lisant son enquête, on a l'impression que la vie sociale, économique et financière à l'intérieur de ce monstre qu'est la SNCF est un puits sans fond de règlements aussi pointilleux qu'inutiles, d'avantages indus et de passe-droits injustifiables, le tout sous le chapeau général de « droits fondamentaux des travailleurs », droits multiples, sans limite et d'un coût exorbitant supporté par les contribuables et les clients.
Et si toutes ces indemnités, gratifications et autres allocations étaient simplement baptisées « rémunération » et n’occupaient qu’une ligne sur la fiche de paie… Une partie du débat serait déjà close. Dans bon nombres d’autres entreprises, des salariés bénéficient en valeur absolue de salaires plus élevés que les cheminots à niveau d’examen équivalent et d'avantages bien plus intéressants (mutuelle prise en charge par l'employeur, cantines à bas prix, activités sociales modernes, intéressement conséquent, avantages en nature...) . Longtemps, les cheminots, les postiers,… ont été considérés comme des pauvres dans le monde des salariés. Ils ont mangé leur pain noir. Mais depuis la dégradation de la situation de l’emploi, les pauvres d’hier sont devenus les nantis d’aujourd’hui. Des bêtes à sacrifier au dieu du chômage, pour implorer sa mansuétude. Le pain blanc, c’est pas maintenant !
Le Point : 3 200 médecins salariés !
On y apprend également, entre autres gabegies et lubies, que la SNCF emploie l'énorme contingent de 3 200 médecins à temps complet ou partiel et que le service central de communication occupe à lui seul 565 personnes, sans compter les services de com' des directions régionales. Selon la Cour des comptes, l'entreprise a dépensé plus d'un milliard d'euros entre 2007 et 2012 pour faire sa propre promotion, alors qu'elle n'évolue pas dans un univers concurrentiel puisqu'elle a un monopole sur le rail !
3200 médecins à temps complet ou à temps partiel… ? En réalité, quelques 1500 généralistes et 200 spécialistes ont passé une convention avec l’entreprise pour assurer les soins des cheminots, mais aussi ceux des patients de tous les horizons. Il n’y a pas là d’exclusivité, juste un dispositif contractuel facilitant le parcours de soins des salariés de la SNCF. Les chauffeurs d’une compagnie de taxis qui passent un contrat avec une entreprise sont ils intégrés dans les effectifs de l’entreprise ? A ces médecins, il faut ajouter ceux, bien moins nombreux, qui œuvrent à plein temps dans les cabinets médicaux SNCF, les médecins du travail, ceux chargé de certifier l’aptitude des conducteurs de trains (environ 80 habilités).
Quant au monopole du rail… Il n’existe plus depuis 2005, date de la circulation du premier train privé sur le réseau national. Un événement qui fait suite à une ouverture du rail à la concurrence fret en 2003, sans la moindre harmonisation économique et sociale préalable. A ce jour, les compagnies privées assurent près de 40 % des trafics fret, sur un réseau dont l’endettement est exclusivement supporté par la SNCF.
Le Point : Dans cette maison, chaque fois qu'on ouvre une armoire, on découvre des situations anormales : il y a trop de monde, on y travaille moins qu'ailleurs et beaucoup moins longtemps, on y est mieux payé, les retraites sont meilleures, les primes vraiment nombreuses, les billets de train gratuits à vie pour toute la famille, le comité d'entreprise très riche… et très dépensier et, bien sûr, c'est le contribuable qui paie la différence entre les recettes normales et les dépenses excessives : chaque année en moyenne, l'entreprise reçoit plus de 12 milliards d'euros de subventions publiques pour un chiffre d'affaires de l'ordre de 30 milliards.
Trop de monde ? Mieux payés ? Trains Gratuit ? Autant de postulats assénés sans être argumentés dans le seul but d’alimenter l’opprobre jeté sur les cheminots. C’est vrai, ça fait vendre du papier. Il eut été bon que le journaliste visite des chantiers en sous-effectifs permanents, ou dont l’effectif est sous-dimensionné… Ou alors qu’il accompagne un agent en 3X8, ou un roulant, pour vivre une autre réalité. La SNCF avait la volonté de devenir « une entreprise comme les autres » dans les années 90. Elle y a pleinement réussi. Sur le plan des objectifs, des pressions, de la productivité, du stress au travail, des burn-out,… la SNCF n’a rien à envier aux entreprises privées ! Concernant les « subventions publiques », ce terme est totalement inapproprié dans le cadre de paiements de service dans le cadre de contrats : conventions TER ou Transilien, dotation TET (d’ailleurs récupérée par l’Etat qui taxe d’autant les TGV, contrat cadre Etat – SNCF Réseau, destiné à financer la maintenance et le développement du réseau ferré français désormais ouvert à la concurrence. Et pour terminer sur le train « gratuit », je vais me faire un plaisir d’envoyer à ce monsieur mes factures de TGV…
Le Point : 12 milliards de subventions annuelles
La SNCF coûte ainsi chaque année l'équivalent de plus de 1 000 euros à tous les contribuables français soumis à l'impôt sur le revenu ! Vous en voulez encore, avant l'overdose ? Voici : ce paradis des prolétaires, en plus des 12 milliards de subventions annuelles qu'il encaisse, traîne une dette globale de 44 milliards d'euros, soit 150 % de son chiffre d'affaires, et cette dette augmente automatiquement d'un milliard et demi par an : il faut bien payer les intérêts ! Si l'on sait compter, sur les dix prochaines années, à ce rythme, on arriverait à un total de : 12 de subventions + 1,5 pour les intérêts, soit 13,5 milliards par an, multipliés par dix ans égalent 135 milliards + 44 milliards de dette, soit un trou global gigantesque de 179 milliards d'euros. Question : on commence quand, à nettoyer les sales écuries de ces profiteurs de la République ?
Des subventions qui n’en sont pas, et une dette qui n’est pas celle de la SNCF mais que le Gouvernement, grâce à la réforme du système ferroviaire de 2014, a fait revenir dans le giron de l’entreprise publique... Près de 40 milliards de cette dette portent sur des infrastructures, dont certaines lignes à grande vitesse décidées mais non financées par l’Etat, et désormais ouvertes à la concurrence. L’Allemagne a pour sa part ouvert plus tôt son réseau à la concurrence, mais avait au préalable entièrement désendetté son opérateur historique, la DB.
En France, le poids de la dette liée au réseau est supporté par la SNCF, et indirectement par les « nantis » de cheminots soumis à de nouveaux efforts de productivité. Quand les journalistes, pour la plupart consciencieux et aussi objectifs que possibles, nettoieront-ils les "sales écuries" d’une presse sensationnaliste, démagogique, trompeuse, dont le seul objectif est de vendre du papier en stimulant les plus viles instincts ?
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Non, cet article ne m’a pas plu du tout. Il y manque la fameuse « prime de charbon » qui exacerbe régulièrement les passions. Et oui, on pouvait faire encore pire !