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Grèves SNCF des 9 et 31 mars : les dessous

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Il y avait de quoi être surpris face à l'annonce, il y a quelques temps, par « les quatre syndicats représentatifs » de la SNCF d'un dépôt de « préavis de grève unitaire » pour la journée du 9 mars. Les mauvaises langues affirmeront immédiatement que les mots "grève" et "cheminots" constituent un pléonasme, que ces derniers prennent les usagers en otage… même si le nombre annuel de jours de grève a considérablement baissé depuis des années. L'une des conséquences est notamment l'affaiblissement du front social. Avec pour effet direct une incitation à toutes les dérives : casse du Statut à la SNCF, casse du Code du Travail pour les salariés du privé… Mais là n’est pas le sujet abordé aujourd’hui.

 

L’on ne reviendra pas non-plus en détail sur le caractère « unitaire » de l’action menée, organisée en catimini par 4 des 9 syndicats de la SNCF. La loi du 20 août 2008, modifiant les critères de représentativité syndicale, avait  pour but de faire disparaître les petits syndicats au profit des 2 plus gros, et d’empêcher l’émergence de nouvelles organisations. Depuis sa promulgation l’ « unicité », la vraie, n’est plus de mise. Ni à la SNCF, ni ailleurs. C’était le troisième objectif, plus insidieux, mais prévisible, de cette loi de division fondée sur un projet commun Sarkozy – MEDEF – GCPME – CGT – CFDT.

 

La vraie surprise fut sans doute ce rapprochement éphémère et presque contre-nature entre les syndicats opposés à la « réforme portant réforme ferroviaire » et ceux qui l’ont ouvertement soutenue. Même si ces derniers certains commencent à avouer à demis-mots s’être fait berner et gesticulent pour la forme (cliquez ici)... Parmi les revendications affichées : salaires, effectifs et maintien des acquis. Les cheminots, dont le pouvoir d’achat, à qualification et ancienneté égales, recule depuis des années ne peuvent que se reconnaître dans le premier premier point… Sauf que parmi les syndicats appelant à la mobilisation pour gagner plus figurent aussi ceux qui, par le passé, ont acté des mesures générales ne compensant pas l’inflation… Première contradiction.

 

Concernant les effectifs, avec 1400 suppressions d’emplois programmées au budget 2016, alors que l’entreprise ne dispose plus d’assez de conducteurs pour assurer les TER de nombreuses régions, alors que le vieillissement du réseau exigerait des embauches massives à l’Equipement, alors que l’explosion de la fraude imposerait en toute logique de réhumaniser les gares et les trains, cette nouvelle purge prend une tournure intolérable. Sauf que la SNCF agit dans un environnement financier contraint, que le non-paiement par l’Etat des contributions dues génère des difficultés et que, surtout, le poids de la dette infrastructure devient insoutenable. Rapoport, président de SNCF Réseau, ne faisait plus la gueule que sur les photos... et n'a pas démissonné pour rien ! Or, 2 des syndicats à l'origine de la grève du 9 mars ont bien soutenu la réforme qui rapatria cette dette de l’Etat dans le giron de l’Entreprise publique. Seconde contradiction.

 

La dernière contradiction n’est pas piquée des hannetons ! La réforme, toujours la même, abroge la réglementation du travail SNCF au profit d’une réglementation forcément moins favorable, commune à l’ensemble des salariés des entreprises ferroviaires. Ceci a été gravé dans le marbre en 2014. Aux organisations syndicales de la SNCF de se battre, désormais, non plus pour conquérir de nouveaux acquis, non pas pour préserver les conditions de travail, mais pour sauver les meubles. Vu la tournure que prennent les événements, il y a effectivement péril dans la demeure. Le projet modifié de « décret socle » devant servir de base aux négociations a été diffusé. Dans sa version actuelle, il a de quoi inquiéter. Les négociations sur le temps de travail devraient débuter sérieusement mi-avril avec une obligation de rendre copie signée au 30 juin, car le 1er juillet, le RH 0077 disparaît. Pari totalement impossible à tenir. Sauf que, là encore, cette situation est tout aussi inextricable qu’elle était prévisible. Elle est le fait d’une réforme soutenue par 2 des syndicats qui ont appellé les cheminots à faire grève... contre les conséquences de leurs choix passés…

 

Alors qu’une nouvelle grève se profile, cette fois le 31 mars, la question se corse. Non pas pour les syndicats, représentatifs ou non, d’ailleurs, qui ont combattu la réforme. Mais plutôt pour les syndicats d’accompagnement. Quoi que. Les élections professionnelles passées et leur ont été favorables. Ils ne risquent pas grand-chose. Y participeront-ils ? Il y a peu de chance. La belle « unité » déjà réduite à 4 sur 9, ostracisme oblige, risque encore d’être fragilisée. D’autant que dans le lanterneau syndical, les choses sont souvent plus complexes qu’elles n’y paraissent. Au centre des enjeux des confédérations, la Loi El Khomeri, qui impactera l’ensemble des salariés. Comme pour la réforme SNCF, certains syndicats accompagnent, d’autres contestent et d'autres encore retournent leur veste toujours du bon côté (merci Dutronc !). L’on imagine mal des fédérations de cheminots appeler ces derniers à faire grève si la confédération dont elles dépendent a trouvé, d’ici là, un accord avec le Gouvernement. Peu importe que ce ne soit pas sur des bases revendicatives et sur des sujets différents.

 

La grève du 9 mars rejoindra donc, pour certains, la longue liste des grèves alibis. Style, je suis pour mais pas trop, je suis contre, mais pas trop non plus. Après tout, à la SNCF, les grèves "alibis" ou "soupapes de sécurité" furent souvent pratiquées et trop vite oubliées. En dix années de co-gestion, l’ancien président de la SNCF, Louis Gallois, n’avait-il pas fait passer comme une lettre à la poste de funestes projets, comme la casse du fret ferroviaire (-10 000 emplois), avec le soutien du syndicat majoritaire ? Ce dernier avait décrété une terrible riposte une fois le projet bouclé, et le point de non-retour dépassé : 24 heures grève !

Tant que les salariés, eux-mêmes, se complairont dans le carcan intellectuel qu’ils s’imposent, où laisseront d'autres réfléchir à leur place, ils resteront victimes des contradictions et manipulations qu’ils subissent. Peu en importe les auteurs. Le résultat des dernières élections professionnelles démontre que la révolution culturelle n’est pas pour demain. Finalement, qui s’en plaint… si ce ne sont les clients restés à quai !


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