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SNCF : des élections professionnelles pas comme les autres

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Des élections anticipées

 

urne électorale.jpgLes précédentes élections professionnelles datent de 2014. La loi (art.39 de la loi "portant réforme ferroviaire") a imposé la tenue de nouvelles élections : « Par dérogation aux dispositions du code du travail relatives à la durée des mandats, des élections professionnelles anticipées sont organisées au sein de chaque établissement public composant le groupe public ferroviaire dans un délai d'un an à compter de la constitution du groupe public ferroviaire ».

 

Un contexte marqué par la réforme du système ferroviaire

 

sncf éclatement.jpgLa loi « portant réforme ferroviaire » du 4 août 2014, censée « améliorer la qualité du service public pour tous les usagers », a jeté les bases d’un nouveau groupe ferroviaire. Les deux précédents EPIC, SNCF (opérateur ferroviaire) et RFF (Gestionnaire du réseau ferré) ont disparu au profit d’une nouvelle organisation du rail français fondée cette fois sur trois EPIC : SNCF Réseau, le nouveau gestionnaire d’Infrastructures qui rassemble désormais les ex-agents de SNCF Infra (environ 50 000) et les ex-agents de RFF (environ 2000), SNCF Mobilités, l’opérateur de transport et un EPIC de tête « SNCF » assurant le pilotage stratégique des deux autres EPIC.

 

Sur le plan social, la loi abroge la réglementation du travail spécifique aux cheminots de la SNCF au profit d’une réglementation à destination de l’ensemble des salariés des opérateurs ferroviaires, public ou privés (convention collective nationale, éventuellement assortie d’accords d’entreprise). Le RH 0077 est maintenu le temps de la négociation.

 

Art. 34 de la loi : « A titre transitoire, les salariés de la SNCF, de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités conservent leur régime de durée du travail jusqu'à la publication de l'arrêté d'extension de la convention collective du transport ferroviaire ou de l'arrêté d'extension de l'accord relatif à l'organisation et à l'aménagement du temps de travail dans le transport ferroviaire, et au plus tard jusqu'au 1er juillet 2016. Pendant cette période, les organisations syndicales de salariés représentatives du groupe public ferroviaire peuvent négocier un accord collectif relatif à la durée du travail applicable aux salariés de la SNCF, de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités ».

 

Dette.jpgSur le plan financier, la loi est censée stabiliser la dette du système ferroviaire (plus de 40 milliards d’euros). Elle réintègre la part de dette liée aux infrastructures au sein de la SNCF, alors que la précédente réforme de 1997 l’avait externalisée. Elle affranchit, de fait, l’Etat de ses responsabilités financières vis-à-vis de la dette réseau, alors que celle-ci trouve pour partie origine dans des choix régaliens. Seule la publication d’un rapport est exigée.

 

Art. 11 de la loi : "Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions permanentes du Parlement compétentes en matière ferroviaire et financière un rapport relatif à la trajectoire de la dette de SNCF Réseau et aux solutions qui pourraient être mises en œuvre afin de traiter l'évolution de la dette historique du système ferroviaire. Ce rapport examine les conditions de reprise de tout ou partie de cette dette par l'Etat ainsi que l'opportunité de créer une caisse d'amortissement de la dette ferroviaire".

 

En résumé, la loi fait disparaitre RFF et scinde la SNCF en trois EPIC. Une partie du Statut des cheminots (réglementation du travail) est abrogée au profit d’une convention collective, en cours de négociation, commune à l’ensemble des salariés des opérateurs de transport ferroviaire. La dette « Infrastructure », dette de l’Etat, est réintégrée au sein de la SNCF. La loi n’exige que la rédaction d’un rapport parlementaire sur l'évolution de la dette et une hypothétique reprise.

 

Les syndicats de la SNCF ont adopté des attitudes antagonistes sur cette réforme. Certains l’ont accompagnée, après une période d’indifférence ou d’opposition de principe (UNSA, CFDT…) tandis que la plupart des autres syndicats ont exprimé de fortes réserves ou une franche opposition (CGT – SUD – FO – FiRST – CGC).

Ces prises de positions, radicalement opposées, ont mené à une fracture particulièrement prégnante au sein des quatre syndicats représentatifs.

 

Il y a fort à parier que le positionnement des uns et des autres sur la réforme impactera les scores électoraux. Il ne faudra cependant pas s’attendre à des variations considérables. Mais ces variations, fussent-elles marginales, pourraient modifier les conditions de négociation des accords.

 

Protocole électoral : tensions entre syndicats, recours en justice

 

Le Code du Travail impose à la SNCF de négocier le protocole électoral avec :

  • Les syndicats représentatifs dans l’entreprise
  • Les syndicats affiliés à une organisation reconnue représentative aux niveaux national et interprofessionnel
  • Tout syndicat qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines, d’indépendance, et légalement constitué depuis au moins deux ans, et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise concernée.

Pour résumer, une fois n’est pas coutume, la SNCF fut obligée de convoquer les 9 syndicats de la SNCF à négocier le protocole électoral (CGT, CFDT, UNSA, SUD rail, FO, FiRST, CFE-CGC, CFTC, SNCS).

Pour autant, la loi permet à une entreprise de négocier avec les seuls « représentatifs » un accord en amont du protocole électoral, même lorsque son contenu impacte les intérêts des autres syndicats.

La SNCF avait saisi cette opportunité. « L’accord collectif relatif à la gestion transitoire, au recours au vote électronique, à la durée des mandats et à la représentation du personnel» avait été négocié entre quatre syndicats et la Direction. Validé par les syndicats d’accompagnement, le texte avait finalement été dénoncé par la CGT et SUD rail, qui avaient fait valoir leur droit d’opposition.

colère.pngCette démarche s’était soldée par une colère générale  : celles des syndicats représentatifs, assistant à la remise en cause de l’accord qu’ils avaient soutenu et validé. Celle de la Direction de l’Entreprise, qui n’avait pas apprécié la manœuvre, menée quelques heures seulement avant l’heure limite de dénonciation. Celle des syndicats non-représentatifs : totalement écartés de toutes ces démarches, dont les effets impactent pourtant leur score électoral, ils ont été les victimes collatérales des règlement de compte. Lors de la seule table ronde où leur présence était imposée, la Direction a refusé de négocier réellement le protocole électoral, en rétorsion contre la dénonciation de l'accord...

 

arbitre.jpgToutes ces tensions ont conduit à la non-validation des protocoles électoraux, d’où arbitrage de la DIRECCTE en faveur des propositions de l’Entreprise. Les recours menés par la CGT et visant à reporter les élections CE-DP début 2016 sont quant à eux restés vains.

Résultat : pas de vote électronique, mais plus de CE Réseaux géographiques, comme proposés dans le cadre de l’accord dénoncé et une date maintenue : le 19 novembre pour les élections CE, DP, Conseils d’Administration et Conseil de Surveillance.

 

Un enjeu particulier pour l’Entreprise

 

Les règles actuelles de validation des accords d’entreprise sont les suivantes : un accord est réputé validé lorsqu’il est signé par des syndicats « représentatifs » représentant au moins 30 % des électeurs. Il peut toutefois être dénoncé par des syndicats « représentatifs » représentant au moins 50 % des électeurs.

Ainsi, il est important d’être « représentatif » sur le plan national pour pouvoir négocier, valider et éventuellement dénoncer des accords.

La somme des voix de l’UNSA (23%) et de la CFDT (14,7%) dépasse les 30 %. Ce qui permet à ces syndicats de valider les accords.

La somme des voix de la CGT (35,6 %) et de SUD-rail (17%) dépassant les 50 % autorise ces syndicats à dénoncer des accords.

En embuscade, les partenaires électoraux FO-FiRST-CFE CGC qui aux dernières élections ont progressé, frôlant de peu la barre des 10 % (9,4 %).

 

Le rêve de la SNCF, c’est le passage des syndicats contestataires en dessous de la barre des 50 %, le maintien ou le développement des syndicats d’accompagnement, et la non-accession à la représentativité de FO-FiRST-CFE CGC.

La Direction compte sur l’érosion inexorable de la CGT et de SUD qui, un jour ou l’autre, leur interdira de dénoncer des accords. Elle soutient  les syndicats d’accompagnement en vue de faire pencher la balance de son côté.

balance cailloux.pngEt elle verrait d’un mauvais œil l’arrivée d’un arbitre dans la partie, FO-FiRST-CFE CGC, ni contestataire, ni accompagnateur, qui selon les enjeux pourrait faire basculer la balance dans un sens ou dans un autre… et surtout dévoiler aux cheminots, sans complaisance, l’envers du décor. Depuis la mise en œuvre de la loi sur la représentativité syndicale, les échanges entre Direction SNCF et les quatre syndicats représentatifs n’ont jamais été aussi discrets… et, pour l’Entreprise, ils ont tout intérêt à le rester !

 

Une désinformation qui a jeté le trouble

 

D’ordinaire, une campagne électorale se résume à la confrontation de politiques syndicales sur des sujets communs à tous. Chaque syndicat revendique à sa manière une meilleure rémunération, de meilleures conditions de travail, l’augmentation des effectifs…

cheque vacances.jpgSur le plan des activités sociales, deux approches s’affrontent de longue date : celle des partisans d’une certaine forme de centralisme : vacances en CCE, restauration dans les cantines… Et celle partisans d’une gestion plus proche des cheminots : chèques-vacances, tickets-restaurants… Une dernière approche lancée et mise en œuvre jadis par un syndicat chrétien, et dont les thèmes de campagne ont été allégrement pillés par des organisations en mal de projet.

 

La campagne menée à ce jour semble quelque peu différente. Pas essentiellement sur le registre des  activités sociales, où trois camps s’affrontent : celui du statu quo, celui des syndicats d’accompagnent qui prônent des évolutions, et celui des 3 syndicats qui, tout en ayant contesté la réforme du système ferroviaire, souhaitent toutefois une évolution des activités sociales. Rien de bien nouveau sur le fond.

 

Plutôt sur l'état des lieuxc’est sans doute la première fois que les syndicats ne s’accordent pas sur la base même de leurs revendications. Que les uns aient marqué un soutien envers une réforme que les autres ont combattu n’a rien d’original en soi. Sauf que personne n'analyse de la même manière le contenu de la loi de 2014  et ses conséquences. En caricaturant un petit peu, pour les uns, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et pour les autres, cette réforme est une catastrophe.

 

Un certain nombre de réalités s’imposent pourtant : le Statut des cheminots est bien écorné. Le statut (définition du Larousse : ensemble des dispositions législatives ou réglementaires fixant les garanties fondamentales, droits et obligations, accordées à une collectivité publique ou à un corps de fonctionnaires ou d'agents publics) est directement impacté par la remise à plat de la réglementation du travail. Celle ci fait intégralement partie des droits statutaires des cheminots, au même titre que le régime spécial de retraite ou la Caisse de Prévoyance.

 

manipulation.jpgPour tromper les cheminots, Direction, Gouvernement et certains syndicats ont joué sur une ambiguïté. Il existe bien un texte dénommé « Statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel », le RH 0001. Et lorsqu’ils s’expriment d’une seule voix pour prétendre que le Statut des cheminots n’est pas touché, ils évoquent le RH 0001, et non pas le Statut des cheminots !

S’il est tout à fait légitime d’apprécier différemment les conséquences probables d’une réforme, il l’est beaucoup moins de tromper délibérément l’électorat.

Concernant le problème de la dette Infrastructures, liée à la maintenance et pour partie à la construction d’un réseau ferré désormais ouvert à la concurrence, il reste entier. Pas ne mensonge notoire à ce sujet mais un silence assourdissant qui en dit long !

 

Voir à ce sujet la vidéo "ils ont dit, ils ont menti" : cliquez ici

 

De nombreux médias soutiennent implicitement les « syndicats représentatifs »

 

La loi sur la représentativité syndicale, promulguée en 2008 sur la base d’une position commune Gouvernement-MEDEF-CGPME-CGT-CFDT avait pour finalités réelles :

  • De concentrer le dialogue social sur les deux plus grandes confédérations syndicales, le " faux méchant" et le "vrai gentil".
  • D’éliminer progressivement les autres structures.
  • De freiner l’émergence de nouveaux syndicats (fortes contraintes imposées aux nouveaux).
  • De fragiliser le rapport de force en brisant l’unité syndicale.

 

exclusion.jpgCes buts ont été diversement atteints. A la SNCF, la notion de représentativité a conduit les syndicats ainsi reconnus à pratiquer une politique d’exclusion totale à l’égard des autres structures, y compris lorsque de graves menaces ont pesé sur les acquis des salariés.

Les syndicats "non-représentatifs"sont délibérément écartés de toutes les intersyndicales nationales depuis les élections de 2009.

 

 

 

 

désinformation presse.jpgDe nombreux média se sont  rapidement et sans discernement engouffrés dans la brèche, citant à de multiples reprises dans leurs articles « les quatre syndicats de la SNCF », alors que l’Entreprise en compte neuf. Rejeter presque systématiquement les communiqués et prises de position des syndicats « non-représentatifs » est devenu une habitude.

S'ajoute une presse sélective, qui tout en relatant objectivement la position des uns et des autres, « oublie » de procéder de la sorte en période de campagne électorale.

Enfin, il existe aussi des publications qui assurent clairement leur soutien à certains syndicats d'accompagnement en pleine campagne électorale, ouvrant largement et gratuitement leurs colonnes aux seuls intéressés...

 

Autant d’éléments nouveaux qui  bouleversent la donne et  teintent ces élections d'une connotation particulière…

 

Des cheminots parfois déconnectés face à des enjeux cruciaux

 

La tête dans le guidon, soumis à des efforts de productivité grandissants, les cheminots n’ont pas tous Intégré la mesure des enjeux.

Du résultat de ces élections dépendront notamment :

  • L'avenir des acquis qui seront maintenus – ou non – dans le cadre de la négociation de la Convention Collective Nationale remplaçant notamment la réglementation du travail.
  • L’avenir du dialogue social, qui peut être équilibré ou basculer dans l’accompagnement sans réserve des évolutions
  • La politique activités sociales (vote CE) : statu quo (centralisme actuel) ou évolution vers de dispositifs plus modernes (chèques-vacances pour tous…)

 

individualisme.jpgL’individualisme ou l’indifférence se sont invités au fil du temps aux rendez-vous électoraux. Le choix de l’organisation repose parfois soit sur un espoir de déroulement de carrière, parfois sur le hasard ou la couleur d'un logo... L'indifférence se traduit en abstention. A noter aussi que la complexification des modalités de vote (réduction du nombre de bureaux - réorganisation de l'Entreprise) ne joue guère en faveur de la participation.

 

Certains salariés n’ont retenu de la réforme du système ferroviaire que les propos des uns, et n’ont pas cherché à les confronter aux arguments des autres. L’on entend aussi ça et là aussi les mêmes propos tenus que ceux tenus face aux partis politiques : « tous les mêmes... ». D’autres agents sont plus terre à terre : "je vote pour le copain qui est sur la liste"…

 

La démocratie, c’est aussi cela : voter en son âme et conscience, selon ses propres critères.

fourmis travail.jpgSauf que non, les syndicats ne sont pas « tous les mêmes ». Des profiteurs du système, il en a partout, dans les syndicats comme ailleurs. Mais il  existe aussi de vrais militants qui s’investissent à fond pour les autres, et parfois avec un minimum de moyens.

 

A charge pour chacun de mesurer, ou non, les réels enjeux de ces élections qui ne comptent aucun précédent.

A charge aussi pour les électeurs, et les abstentionnistes, d’assumer pleinement, le moment venu, la portée de leurs actes !

 

A lire ou à relire : "de l'unicité à la bataille rangée"


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