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Channel: Bernard Aubin
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SNCF : grèves d’une heure, encore une tempête dans un verre d’eau

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Il y a un mois, la SNCF était qualifiée de « raciste » (ici),. Aujourd’hui, son Président semble s’attaquer aux grévistes… Le point commun de ces deux affaires : des faits ou des propos montés en épingle. Interviewé par Europe 1, Guillaume Pepy avait estimé que les arrêts de travail déclenchés suite à une agression de cheminot(s) ne devaient pas avoir une durée excessive pour ne pas pénaliser les usagers…

 

Quelques précisions s’imposent. Comme l’indique le président de la SNCF, il s’agit d’ « arrêts de travail » spontanés, pas de grèves. Depuis la rigidification du droit de grève sous Sarkozy, sans contrepartie sociale, la durée légale entre les premières réflexions sur une action et sa mise en œuvre avoisine les quinze jours. Les agents ne peuvent donc pas se mettre en grève instantanément à la suite d’un fait précis.

 

En revanche, tout salarié qui considère ne plus pouvoir exercer ses fonctions en toute sécurité a la possibilité de se retirer de son poste de travail tant que le problème n’a pas été examiné par l’employeur. Ce droit de retrait repose sur un choix individuel. La procédure est encadrée par la Loi : le Danger Grave et Imminent (ici) mis en avant doit être  « susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée».

 

En exerçant leur droit de retrait, les cheminots alertent d’entreprise sur une situation dangereuse et par là même témoignent leur solidarité envers le ou les collègues agressés. Ce que Guillaume Pepy illustre par : «Il faut (...) tenir compte du sentiment d'émotion. Les cheminots ont des tripes, ils sont comme tous les salariés ». Reste donc la durée de l’arrêt de travail (qui n'est pas une grève), celle-là même qui fait débat. Selon le code du travail, l’employeur ou son représentant ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation où persiste un danger grave et imminent (L. 4131-1). Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de salariés qui aurait utilisé ce droit d’alerte et de retrait (L.4131-3).

 

A l’employeur de résoudre la crise, et dans son intérêt le plus rapidement possible. Des réflexions sont donc le plus souvent menées au niveau des CHSCT concernés, voire au niveau de tables rondes convoquées dans l’urgence. Sauf qu’il est très difficile, avec la meilleure volonté, de traiter  ainsi des problèmes d’incivilités, d’insécurité et d’agressions qui résultent plus largement de dérives de la société échappant au contrôle de la SNCF… Même si la déshumanisation des trains et des gares n’a fait que les aggraver.

 

Alors, Direction et syndicats s’en sortent le moment venu par des pirouettes. De part et d'autre, chacun est conscient que les décisions arrêtées dans l'urgence ne sont pas en mesure de résoudre quoi que ce soit : quelques postes de contrôleurs en plus, quelques mesurettes ponctuelles ne lèveront pas la menace… Mais il faut bien sortir d'une manière ou d'une autre de la paralysie du trafic. Lorsque Guillaume Pepy recherche d’autres pistes que le blocage systématique des trains et des usagers en cas d’agression, il a raison dans l'absolu… Sauf que…

 

1)      Si les cheminots n’avaient pas manifesté avec force leur colère à chaque fois que l’un des leurs a été agressé, les lois qui les protègent n’auraient pas été renforcées comme elles l’ont été, la justice aurait fait preuve de laxisme et les sanctions prononcées contre les agresseurs seraient restées symboliques.

2)      Les salariés d’autres services publics sont souvent confrontés aux mêmes incivilités et agressions que les cheminots. Mais à défaut d’utiliser leur droit de retrait et de protester,  aucune mesure efficace ne les protège. Agressez, il n’y a rien à voir !

3)      En manifestant leur colère contre les agressions, les cheminots contribuent aussi à la protection des voyageurs, victimes des mêmes dérives.

 

Effectivement, en cas d'agression de l'un des leurs, les cheminots se contenter d'un arrêt de travail symbolique, destiné à marquer les esprits. Des procédures spécifiques engageant l’ensemble des acteurs (préfecture, directions SNCF, organisations syndicales, autorités organisatrices) pourraient être immédiatement déclenchées en cas d'agression. Une piste que j’avais proposée pour débloquer des situations devenues inextricables et improductives. J’avais même obtenu, sur ma région, le principe de réunir systématiquement dans l’urgence toutes les parties prenantes. Un point enregistré par les acteurs concernés… mais déjà oublié lors de l’arrêt de travail suivant… L'illustration du dialogue social à la française.


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