La SNCF vient de révéler que l’accident survenu samedi en Alsace était dû à une erreur humaine. Selon l’enquête, la rame circulait à 243 km/h au moment de l’impact. Cette vitesse excessive s’expliquerait par un freinage tardif. Sept personnes étaient présentes dans la cabine au lieu des trois prévues. Aucune anomalie technique n’aurait été relevée.
Il reste désormais à éclaircir les véritables causes du drame, l’excès de vitesse étant elle-même la conséquence d’une situation ou d’un événement particulier. Le conducteur a-t-il reçu en temps et en heure les bonnes instructions, a-t-il été distrait et dans quelles conditions ?
De l’aveu même d’un conducteur de TGV, 350 km/h, la vitesse atteinte par le TGV avant sa phase de décélération, cela va vite, tellement vite que la plus grande concentration est nécessaire pour ne pas louper les repères. D’autant qu’en phase d’essais, une partie des systèmes de sécurité est de fait déclenchée.
A l’enquête de déterminer le contexte exact dans lequel l’ « erreur humaine » a été commise et d’identifier les responsabilités, toutes les responsabilités, car il serait trop facile de tirer sur le « lampiste » !
Je renouvelle toutes mes condoléances aux familles des victimes, à leurs proches, et souhaite mes meilleurs vœux de rétablissement aux cheminots encore hospitalisés. L'enquête et les démarches administratives ne doivent pas occulter le fait que cet accident constitue avant tout un drame humain sans précédent dans le monde de la grande vitesse ferroviaire.
Les faits
La rame d'essais TGV a déraillé samedi 14 novembre près de Strasbourg, faisant 11 morts et plus de 30 blessés. Les onze victimes faisaient partie d'une équipe de 49 techniciens et cheminots à bord de la rame, qui effectuait un essai sur le nouveau tronçon Baudrecourt-Strasbourg de la LGV Est, dont l’ouverture avait été programmée en avril 2016. Le drame est survenu à quelques encablures du raccordement entre la ligne à grande vitesse et la ligne classique en provenance de Metz.
Depuis l’accident, la SNCF a fait démonter tous les panneaux lumineux de compte à rebours présents dans les gares desservies par la nouvelle ligne à grande vitesse. Un fait qui laisse supposer que la mise en service de cette voie nouvelle pourrait être retardée suite à l’accident, ainsi que le laissait entendre Jacques Rapoport, Président de SNCF Réseau.
Les premières hypothèses
Dans les heures qui ont suivi le drame, le directeur de cabinet d’Alsace, citant une « source proche du dossier » mettait en cause la vitesse trop élevée du train : 350 km/h dans une courbe. Le déraillement s’est produit sur une portion de ligne devant être normalement parcourue à 160 km/h. Dans le cadre des essais, la vitesse programmée était de 10 % supérieure à la vitesse commerciale, soit 176 km/h. Un seuil que le conducteur du train, rescapé de l’accident, avait dans un premier temps affirmé ne pas avoir dépassée.
La précipitation dans les annonces des causes potentielle du drame avait créé un grand émoi dans la famille des cheminots, déjà sous le choc des attentats perpétrés la veille. La SNCF s’était alors sentie obligée de tempérer, en listant trois scénarios plausibles : une défaillance du train, une défaillance de l'infrastructure, ou une erreur humaine.
Les enfants à bord
La présence d’ « enfants » à bord avait suscité une réelle émotion. A ce sujet, le Président de la SNCF avait dans un premier temps déclaré que les enquêtes «permettront d'éclairer (...) qui sont ces accompagnants, pourquoi étaient-ils à bord, dans quelles circonstances avaient-ils été admis à monter dans cette rame», précisant «Ca n'est pas une pratique que la SNCF reconnaît. On n'est pas dans une phase touristique ou dans une phase amicale. Un train de test est un train de test». La présence de personnes non-autorisées à bord de trains spéciaux ou des cabines de conduite est en effet prohibée par la réglementation. Mais elle fait exceptionnellement, et de longue date, l'objet d'une tolérance encadrée. Certains cheminots s’interrogent à cette occasion sur les habilitations reçues par certains invités de Guillaume Pepy, lorsque l’intéressé accompagnait lui-même des marches d’essais. Mais ça, c’était avant !
Les « boites noires », c’est quoi ?
La bande graphique, présente sur les anciennes locomotives, a disparu au profit d’un enregistreur de données informatiques bien plus moderne dénommés « ATESS ». Si les premières se limitaient à enregistrer quelques paramètres basiques tels que vitesse du train, réactions du conducteur face aux ordres donnés par la signalisation,… les technologies numériques permettent désormais de stocker un plus grand nombre de paramètres, à l'instar des boîtes noires des avions. Sont notamment enregistrées : les actions du conducteur sur le manipulateur, sur les freins, sur les commandes de pantographes,… et la signalisation présentée sur les lignes classique ou celle affichée en cabine sur les LGV. Les données sont enregistrées sur une mémoire Flash. Elles peuvent être exploitées sur un ordinateur de bureau équipé des logiciels adéquats.
La répartition des rôles à bord (extrait du rapport officiel)
Le Conducteur est en charge de la conduite du train d’essais ou de mesures. Il participe aux processus de déroulement des essais. Pendant une marche d’essais, il met en œuvre les directives du CTT et/ou du pilote traction présents en cabine.
Le second Conducteur est présent pour suppléer, voire remplace, le conducteur en fonction de l’organisation de la journée de travail.
Le pilote traction de la rame d’essais est chargé de renseigner le Cadre Transport Traction sur les caractéristiques de la LGVEE2 (pentes, rampes, signalisation, points remarquables) et de donner l’autorisation de départ au conducteur. Dans le cadre des marches d’essais, il renseigne le CTT et le conducteur sur les caractéristiques de la ligne (signalisation, particularités...).
Il reçoit du Chef de bord l’avis verbal que le service du train est achevé (montée ou descente des personnes prévues à l’AJE, fermeture des portes), Il retransmet au conducteur, l’autorisation de départ reçue du Chef d’essais, Il s’assure visuellement qu’il n’y a pas d’anomalie concernant la voie ou la caténaire ainsi qu’au niveau des abords (clôtures, portails, portillons, …)
Le rapport officiel sur l'accident du TGV d'essais : cliquez ici
Non, les essais de la LGV n'étaient pas terminés !
Certains médias ont affirmé que les essais devaient se terminer samedi, jour de circulation du TGV qui a déraillé. Des documents internes stipulent, quant à eux, que le calendrier prenait fin le vendredi 20 novembre...