La Cour de Cassation a tranché. En rejetant le pourvoi de la confédération CFTC et de sa fédération générale des transports, l'instance suprême a mis fin à quatre années d’attaques immondes menées par le syndicat « chrétien » contre les responsables de ses anciennes structures cheminotes. La CFTC a été lourdement et définitivement condamnée par la Justice pour avoir tenté de prendre le contrôle des biens qui ne lui appartenaient pas et de substituer aux dirigeants légitimement élus des hommes de paille à sa solde.
Le monde politique est souvent considéré comme étant impitoyable, le monde syndical n’a rien à lui envier. Les cheminots l'ont découvert à leurs frais, mais leur combativité a fini par payer.
Retour sur quatre années de luttes
26 septembre 2009 : la CFTC Cheminots perd sa représentativité à la SNCF… et dans la foulée la moitié de ses adhérents. Ses dirigeants fédéraux s’envoleront vers des cieux plus cléments, laissant la barque à la dérive. La Confédération mettra sa fédération des cheminots sous la tutelle de la fédération générale des transports CFTC.
Juillet 2009 : quelques militants cheminots s’inquiètent de la situation, et décident de s’investir dans la remise à flot des structures cheminotes… Mais sous condition de pouvoir offrir aux adhérents des perspectives d’avenir tangibles, à savoir retrouver la représentativité nationale via un accord avec d’autres syndicats. L’idée est proposée aux dirigeants de la FGT CFTC, qui s’engagent à la soutenir.
28 août 2009 : les responsables cheminots rencontrent les dirigeants de la confédération CFTC Jacques Voisin, Philippe Louis et Bernard Sagez. Ils leur expliquent qu’ils sont prêts à s’engager pour sauver les structures cheminotes, par le biais d’un accord, mais qu’il faudra sans doute faire un choix. Si cet accord prévoit le transfert des voix vers un autre syndicat, il faudra mettre en place avec les confédérations concernées un principe de vases communicants pour limiter les impacts. En tout cas, la CFTC ne peut espérer conserver à la fois les voix des cheminots et les adhérents. Les responsables cheminots ne s’engagent à s’investir dans le sauvetage des structures cheminotes que si leurs initiatives ne sont pas combattues en interne. A l’issue de cette réunion, aucune interdiction de leur est formulée de mener à bien leurs initiatives.
12 décembre 2009 : Le Conseil Fédéral de la FGT CFTC, qui détient la tutelle de la fédération CFTC des Cheminots, valide à l’unanimité l’autorisation donnée aux cheminots de mener à terme le partenariat syndical et d’organiser le Congrès de la fédération des cheminots.
Le 8 janvier 2010, le Service Organisation Développement de la CFTC intime à sa fédération des cheminots l'ordre de modifier ses statuts… à cinq jours de la date prévue pour le Congrès ! Une demande posée hors délais statutaires, qui ne sera donc rejetée par la fédération des cheminots.
Les 13 et 14 janvier 2010, le Congrès de la CFTC Cheminots se réunit à Châtenois, en présence de Philippe Louis, secrétaire général de la confédération CFTC. Celui-ci opère un virage à 180 °, demandant aux responsables cheminots de ne pas ratifier l’accord électoral avec d’autres syndicats, alors que la signature de cet accord était la condition sine qua non de l’engagement des dirigeants cheminots dans le sauvetage de leurs structures. Les cheminots s’offusquent de ce changement et critiquent sévèrement l’attitude de leur confédération. Le Congrès élit ses nouveaux dirigeants fédéraux et les mandate pour signer l’accord électoral.
Le 18 janvier 2010, l’accord est signé entre fédérations de cheminots CFTC, CGC et FO.
Le 2 février 2010, le Conseil Fédéral de la FGT se réunit… pour invalider sa propre décision en faveur de la signature du partenariat !
Le 23 février 2010, le Service Organisation Développement CFTC déclare que la tutelle du « secteur ferroviaire » est prorogée… Une manière de contester l’élection démocratique des nouveaux dirigeants cheminots par leur Congrès.
Des échanges de courriers, de plus en plus tendus, se succèderont jusqu’en juin 2010. D’un côté, la Confédération CFTC tente d’imposer ses règles, d’un autre côté, la fédération des cheminots lui rappelle les dettes qu’elle a envers ses structures cheminotes. La fédération cheminot laisse clairement entendre que le prolongement de la tutelle a pour but, entre autres, d’effacer le passif.
Le 11 juin 2010, le Conseil Confédéral de la CFTC franchit une nouvelle étape en tentant de retirer, à titre conservatoire, les « mandats » des président, secrétaire général et trésorier cheminots… Sauf que ces décideurs tirent leurs mandats d’une élection non-contestée en interne, et pas de leur confédération. Bien sûr, les dirigeants cheminots ne tiennent aucun compte de cette tentative de putsch.
Le 7 juillet 2010, les dirigeants cheminots sont auditionnés par des représentants de la confédération CFTC. Aucun compte-rendu ne sera ni établi, ni diffusé à l’issue de cet entretien malgré l’engagement préalable de la CFTC.
Le 20 juillet 2010, la CFTC notifie aux dirigeants cheminots le "retrait à titre conservatoire de leurs mandats"… Une mesure dont ils ne tiendront aucun compte.
D’autres courriers sont échangés, jusqu’à la notification du retrait définitif des mandats aux trois dirigeants cheminots.
Le 21 septembre 2010, le Bureau Fédéral des cheminots confirme à l’unanimité le soutien à ses dirigeants et les mandate pour organiser toute riposte juridique nécessaire.
Devant le refus de la confédération CFTC d’entamer toute négociation avec les cheminots, et face aux attaques menées contre leurs dirigeants, une cinquantaine de cheminots envahit les locaux de la confédération le 17 novembre 2010 pour exiger l’ouverture d’un dialogue. Courageux mais pas téméraires, les dirigeants confédéraux tarderont à regagner leurs locaux, préférant envoyer à leurs adhérents les forces de police et les huissiers. Malgré le climat bon-enfant de cette manifestation, des plaintes seront déposées contre les cheminots… et classées sans suite.
Le 17 décembre 2010, le Conseil Confédéral CFTC décide d’entamer une procédure d’exclusionà l’encontre des trois dirigeants de la fédération CFTC Cheminots. Une décision exceptionnelle au point de ne pas être mise en oeuvre à l’encontre de dirigeants coupables de faits graves, tels des détournements de fonds…
Le 13 janvier 2011, les trois dirigeants cheminots sont auditionnés au siège de la CFTC en vue de leur exclusion. Le comportement des représentants de la confédération CFTC est abject, face à certains responsables cheminots qui militent depuis plus de 37 ans, et dont le seul crime est de s’être investis dans le sauvetage de leur structure. Des arguments seront échangés entre avocats des deux parties.
Le 18 janvier, réunion extraordinaire du Conseil Fédéral Cheminots en vue de proposer à l’ensemble des structures la désaffiliation du syndicat CFTC
Le 24 janvier 2011, les dirigeants cheminots sont assignés, A TITRE PERSONNEL, devant le TGI de Paris. La Confédération CFTC leur réclame un certain nombre de pièces, dont certaines qui ne sont pas en leur possession, sous astreinte de 1000 € par jour de retard.
Le 11 février 2011, les cheminots créent une nouvelle fédération, FiRST (Fédération indépendante du Rail et des Syndicats des Transports). La quasi-totalité des syndicats et structures cheminots quitte la CFTC pour s'affilier à FiRST.
Le 17 février 2011, le conseil confédéral CFTC prononce à l’unanimité et sans le moindre débat l’exclusion des trois dirigeants cheminots. Au passage, le Conseil tente de modifier le PV de sa réunion de février 2010… lors de laquelle la reconduite de la tutelle sur le secteur ferroviaire avait été omise, la rendant ainsi caduque. Tous les coups – tordus – sont permis !
Dans la foulée, la confédération CFTC se rapproche de la direction de la SNCF. Avec la complicité de la fédération générale des transports, elle fait invalider les moyens-temps des syndicats de cheminots FiRST, et cela en pleine campagne électorale. Les dirigeants cheminots trouveront un moyen de contourner cette difficulté.
Le 17 mars 2011, le TGI de Paris déboute la confédération CFTC de ses demandes vis-à-vis des dirigeants cheminots. Si la CFTC en reste là face à son ancienne fédération, les attaques redoublent à l'encontre des cheminots de Strasbourg. Car eux possèdent des biens immobiliers et financiers dont leur ancienne confédération tente de prendre le contrôle. La CFTC déploie d’énormes et coûteux moyens pour parvenir à ses fins. Mais elle a été prise de vitesse par l’Union des Syndicats de Cheminots de la Région de Strasbourg et les structures alsaciennes qui se sont désaffiliées de la CFTC avant que celle-ci ne tente de les mettre sous tutelle.
Le 6 juin 2011, le TGI de Strasbourg condamne la CFTC et sa fédération des transports, « au nom de la liberté syndicale », pour avoir tenté de prendre indûment le contrôle des structures alsaciennes. Elles devront leur verser solidairement, entre autres, 34 500 € de dommages et intérêts.
Le 2 décembre 2012, la Cour d’Appel de Colmar confirme en tous points le jugement du TGI de Strasbourg. La CFTC et sa FGT se pourvoient en Cassation.
Le 19 février 2014, la Cour de Cassation rejette la demande de pourvoi, rendant les précédents jugements définitifs.
A toutes ces procédure, il faudrait ajouter, pour être complet, les attaques menées, toujours à titre personnel, par la CFTC contre certains dirigeants cheminots de syndicats alsaciens, une plainte pour diffamation non-publique contre un dirigeant cheminot FiRST, procédure qu’il a gagnée en appel, la tentative de paralysie du réseau de téléphonie mobile de FiRST par la CFTC, avec la complicité de SFR, qui s’est faite condamner par la justice, les interventions de la CFTC auprès des organismes bancaires, qui ont abouti à la paralysie temporaire des comptes de l’USCRS, avant que celle-ci ne soit rétablie dans ses droits par la Justice, une procédure qu’une salariée de FiRST a dû intenter contre son employeur, de manière à fournir à l’administrateur judiciaire une décision de justice lui permettant de verser son salaire, un droit de réponse, lui aussi gagné en appel par FiRST, à insérer dans les colonnes d’un journal d’information CFTC alsacien…
Des centaines d’heures ont dû être investies par les militants de Strasbourg dans la défense de leur patrimoine et de leurs prérogatives. Autant de temps qu’ils n’ont pas pu consacrer à la défense des salariés… Et cela de la seule faute exclusive de la CFTC, à l'origine de la plupart des procédures.
Privée de toute ressource, la fédération CFTC cheminots a été contrainte de déposer le bilan en septembre 2013, laissant à l’administrateur judiciaire le soin de récupérer les biens des cheminots, investis dans la SCI de la confédération CFTC, pour payer les créanciers. Des biens dont l’accès avait toujours été refusé à leurs propriétaires. Avec la Justice, toute résistance s’avèrera plus difficile !
Toute cette histoire se solde par un beau gâchis. Les procédures lancées à l’origine contre les cheminots avaient pour but d’éviter que les voix des cheminots ne soient comptabilisées au bénéfice d’un autre syndicat, juste avant la mesure de la représentativité nationale. Finalement, les voix des cheminots n’ont jamais été intégrées dans les calculs de représentativité… Sans doute un cadeau du Gouvernement aux syndicats ayant signé l’ANI…
Cerise sur le gâteau, la confédération CFTC a finalement autorisé son dernier bastion CFTC Cheminots à ratifier un accord avec l’UNSA, alors qu’elle s’est battue durant quatre ans contre ce même type d’accord… Allez comprendre !
« Avec les cheminots, ça passe ou ça casse » m’avait adressé un jour un dirigeant de la fédération générale des transports CFTC, bien décidé à en découdre avec une fédération qui pourtant avait donné naissance à la sienne. Une personne qui avait fait un temps partie d’une liste d’opposition à l’équipe confédérale, et qui était bien déterminée à se racheter une virginité. Je lui avais répondu « alors, ça va casser ! ». Ca a cassé, et tant mieux !
Quitte à voler à mes collègues alsaciens une partie de leur victoire, je sais qu’ils ne m’en voudront pas, je voudrais dédier notre succès à tous les partisans d’un syndicalisme réellement humaniste et indépendant. Il y a ceux qui affichent des valeurs, et d'autres qui les mettent en pratique. La confédération CFTC fait honte à son dernier C. Chez FiRST, nous sommes désormais libres et heureux de pouvoir faire notre métier : défendre les intérêts des salariés.
Pour conclure, je vous livre l'appréciation des juges du TGI de Strasbourg sur cette lamentable affaire :
« Le Tribunal estime utile de rappeler que la liberté syndicale, composante de la liberté fondamentale d’expression, ne peut faire l’objet de restriction que dans des cas exceptionnels d’atteinte à l’ordre public qui lui est supérieur .
Or, tel n’est manifestement pas le cas d’une simple dissension entre un syndicat adhérent et sa confédération de sorte que la possibilité que s’est réservée la CFTC dans ses statuts confédéraux de placer un des ses adhérents sous sa tutelle apparaît, par elle-même, comme une atteinte intolérable à la liberté syndicale, la seule sanction admissible pour un adhérent qui ne respecte pas les Statuts confédéraux, outre une éventuelle sanction pécuniaire, ne devant être que son exclusion.
La CFTC n’est propriétaire ni de ses adhérents, ni de leur patrimoine. La décision du 7 février 2011 de son bureau confédéral de placer sous tutelle les secteurs CFTC cheminots régionaux et tous les syndicats CFTC Cheminots apparaît ainsi illégale car elle prive tous ces syndicats de l’exercice de leur liberté syndicale. Elle permet en effet à la CFTC de confisquer leur autonomie, de les transformer en simples filiales dépourvues de toute capacité de décision et de leur interdire de créer un nouveau syndicat concurrent ou tout simplement d’adhérer à une nouvelle Confédération
Elle aboutit ainsi à la négation même de la liberté syndicale».